Mon collège à distance
Les élèves et les professeurs du collège Jean Moulin dans le 14e arrondissement mobilisent, depuis le 16 mars et sans doute jusqu’à la fin de l’année scolaire, divers moyens pour préserver la continuité de leur action pédagogique. Mais à Jean Moulin et grâce à l’engagement de Frédéric Mandler, professeur de technologie, grâce au patient travail d’incitation, de conseil et de support qu’il a conduit auprès de ses collègues, PCN a pu être immédiatement exploité pour maintenir les liens au sein de la communauté éducative.
Après les embouteillages de la première semaine, les choses se sont progressivement stabilisées et c’est avec beaucoup d’intérêt que les professeurs ont reçu l’annonce de l’arrivée d’un service de Web Conférence au sein de l’ENT. Trois professeurs du collège nous ont permis d’assister en tant qu’invité à l’un de leurs cours en ligne et de témoigner ainsi de leur expérience avec ce nouvel outil.
Mardi 28 avril, 13h – Technologie - Classe de troisième
Les élèves de 3e ont rendez-vous avec Frédéric, leur professeur de technologie pour un rappel sur la programmation d’un robot à l’aide d’un langage dérivé de Scratch. Un lien vers un éditeur de programme en ligne a été adressé aux élèves pour leur permettre de préparer le cours et de participer activement aux exercices proposés.
Douze élèves sont présents pour cette séance. Leurs noms s’affichent dans la colonne gauche de l’écran à mesure qu’ils entrent dans la Web Conférence. Au centre, une colonne est réservée au chat, c’est-à-dire aux échanges écrits en direct. L’écran principal est celui de l’enseignant qui a ouvert la séance et projette pour tous les participants le même diaporama qu’il aurait utilisé pour un cours ordinaire. Le service permet de remplacer l’écran du professeur par celui d’un élève mais cette fonction ne sera pas exploitée pendant la séance.
La communication entre le professeur et les élèves est principalement orale : c’est le professeur qui accueille les élèves, leur rappelle le contenu de la leçon du jour et les invite à participer, à poser des questions et à répondre à celles qu’il leur adressera tout au long de la séance. Ils peuvent y répondre oralement, en « levant la main » puis en activant leur micro. Les élèves les plus actifs sollicitent eux-mêmes de pouvoir prendre la parole mais le plus souvent, c’est le professeur qui les y invite.
Le chat est très utilisé, du début à la fin. Tous les élèves présents y contribuent. Il peut servir à poser une question sur le fonctionnement de la conférence (« si on entre en écoute seule, on peut activer le micro après ? ») ou sur le cours (« j’ai pas compris l’intérêt de mettre d’abord la variable à 0 ») mais aussi à répondre à une question posée à la cantonade par le professeur (« savoir la distance d’un objet devant nous »). Le cours se déroule ainsi sous forme dialoguée selon un scénario semblable à celui d’un cours ordinaire. Les caméras ne sont pas utilisées si bien qu’il est difficile d’estimer le niveau d’attention des élèves autrement que par leur participation : systématique via le chat, surtout par les élèves les plus intéressés via le micro.
Mercredi 29 avril, 11h30 – Lettres – Classe de cinquième
En accueillant ses élèves et avant de « faire l’appel » comme à l’accoutumée », Coral Calderon, professeur de Lettres, leur adresse un message de bienvenue : « vous me manquez beaucoup ! ». Puis elle s’inquiète des absents et demande aux présents qui le peuvent de leur envoyer un message.
La séance à laquelle nous assistons, toujours en position d’invité, s’inscrit dans le cadre d’un travail, commencé avant la fermeture, sur le thème du héros (héros mythologique et héros médiatique), inspiré d’une exposition virtuelle de la BNF. Les élèves devaient choisir leur héros, produire un poster de présentation et préparer un exposé qui devait initialement se dérouler en classe. Mais la pandémie en a voulu autrement et les exposés se seront finalement tenus en ligne, sous forme de Web conférences.
Pour la séance du 29 avril, plusieurs exposés étaient inscrits à l’ordre du jour. Eugénie avait choisi son héros : Maurice de Sully, bâtisseur de Notre-Dame de Paris. Cette fois, l’affichage de l’écran des participants fonctionne bien et Eugénie s’en sert pour présenter son héros et justifier son choix. Elle répond ensuite aux questions de la professeure et de quelques élèves.
Viennent ensuite les présentations de trois héros de la mythologie grecque (Thésée, Ulysse et Hercule) et d’un héros de la mythologie Manga : One Punch Man… Pendant cette session, il faudra résoudre quelques problèmes techniques : le micro d’Aleksandra refuse obstinément de fonctionner convenablement, Yanis ne parvient pas à télécharger sa présentation. Avec beaucoup de sang-froid, la professeure réussira à surmonter ces difficultés et permettra ainsi aux présentations d’atteindre leur terme, au prix, il est vrai, d’un léger dépassement dans la durée. Mais ici, pas de sonnerie de fin de cours et les élèves ne semblent pas pressés de se séparer. Après le dernier exposé, Maxence rend compte à ses camarades de la réunion du Comité de Vie Collégienne qui s’est tenu quelques jours plus tôt, sur PCN et en Web Conférence. La professeure annonce ensuite le thème du prochain cours : Robin des Bois que les élèves devront avoir lu. Les dernières minutes de la session sont consacrées à la perspective de réouverture prochaine du collège avec cette question directe d’un élève : « Madame, est-ce que vous vous sentez comme une personne vulnérable ? ». La professeure ne se dérobe pas : « Oui,… mais je compte sur vous, nous ferons tous attention, n’est-ce pas ?... ».
Entretien avec Coral Calderon
A quel rythme faites-vous ces séances de conférences en ligne ?
Je programme deux séances d’une heure par semaine pour chaque classe. Nous avons commencé il y a trois semaines et, pour ma part, avant cela, je ne connaissais pas. Je sais bien me servir du numérique mais la Web Conférence, c’est nouveau. Aujourd’hui, c’était ma sixième séance.
Comment avez-vous abordé cette nouvelle forme d’enseignement ?
Avec cette classe, nous avions commencé à travailler sur le thème du héros avant le confinement. Je pensais enlever cette partie de la séquence. Et puis, comme les élèves avaient travaillé sur leur affiche pendant les vacances, ils ont voulu maintenir les présentations. Comme il y a souvent des problèmes avec le casque ou le micro, je leur ai suggéré de s’enregistrer avec Vocaroo et de m’envoyer le fichier. Plusieurs l’ont fait. Ils m’envoient aussi leur poster par mail de façon à ce que je puisse le projeter s’il y a un problème de leur côté.
Toute cette organisation prend du temps, mais je pense qu’il est important de leur donner l’occasion de s’exprimer et aussi qu’ils puissent discuter entre eux. Ils appréhendent le retour en classe.
Vous êtes leur professeure principale. Cela vous crée-t-il des obligations supplémentaires ?
Oui bien sûr. Le chef d’établissement nous a demandé de garder un lien avec les familles. J’ai commencé à les appeler. Certains ont vraiment besoin de parler. D’autres sont difficiles à joindre.
J’ai trois élèves qui n’ont pas d’ordinateur ; l’un d’eux n’a que le téléphone de sa maman. Tous les trois ont pris une photo de leur affiche et ils me l’ont envoyée. Mais ils ne peuvent pas participer au cours en ligne. Je leur envoie chaque semaine un planning de travail par le casier de la classe sur PCN. Notre CPE imprime les documents et les parents peuvent venir les chercher au collège.
Quelle est aujourd'hui votre appréciation de PCN et de la Web Conférence ?
Ce sont d’excellents outils. Et très utiles en ce moment. Lors de la première conférence en ligne avec mes cinquièmes, c’était émouvant. On se retrouvait tous. Ils ont beaucoup parlé. Ils peuvent même parler en petits groupes, comme s’ils bavardaient pendant le cours. La semaine dernière, avec une autre classe, j’ai utilisé cette fonction pour un projet d’écriture collaborative. Ils ont travaillé en groupes, c’était très intéressant.
La vidéo, on ne s’en sert pas. J’ai peur que ça provoque des bugs et puis, c’est un problème pour la vie privée. Ils ne vivent pas tous dans les mêmes conditions.
Entretien avec Frédéric Mandler
Dans votre collège, vous êtes monsieur informatique. C’est bien cela ?
Oui, je suis au collège depuis 10 ans et je suis en charge de l’informatique. Nous avons PCN depuis 4 ans. Tous les élèves, tous les professeurs sont connectés et près de 80% des parents. Juste avant le confinement, la DANE m’a demandé d’organiser une formation pour « accompagner les élèves éloignés de la classe à l’aide des outils de PCN », formation que j’ai reprise ici pour les collègues. Nous nous sommes réunis le vendredi et je leur ai donné quelques pistes. Beaucoup connaissent bien PCN mais pour certains, ce n’est pas évident. Pendant le confinement, j’ai organisé deux visioconférences avec la nouvelle classe virtuelle de PCN. La plupart des professeurs du collège y ont participé.
Depuis quelques semaines vous disposez donc d’un service de Web Conférence intégré dans PCN. Comment vous êtes-vous organisés ?
On utiise le service d’agenda de PCN oùj’ai créé un agenda « classe virtuelle », partagé par tous les enseignants. Ils saisissent eux-mêmes leur séance : le nom de la classe et l’horaire. Nous nous sommes fixés une règle : pas plus de 3 ou 4 classes sur le même créneau ; on nous avait demandé de limiter. Cela fonctionne plutôt bien ! Depuis cette semaine, les conférences démarrent à 9h30 et nous avons 3 sessions en parallèle à chaque heure, jusqu’au soir.
Des professeurs qui n’étaient pas du tout intéressés par le numérique font des choses extraordinaires. Une professeure de français vient de faire sa première conférence d’essai avec 4 élèves. Elle m’a dit : c’est super !
Quels retours avez-vous des élèves et des parents ?
La première semaine a été difficile pour tout le monde, ça ne fonctionnait pas très bien. La deuxième semaine, tout était réglé. Les parents nous remercient. J’ai continué à produire des tutoriels pour les professeurs et pour les élèves. Mardi, nous avons organisé une réunion avec l’équipe de direction et les professeurs principaux de quatrième. Une autre le soir avec le Conseil de la Vie Collégienne. On a utilisé la vidéo, ça a très bien fonctionné.
Mardi 5 mai, 11h – Anglais – Classe de troisième
Douze élèves sont présents pour cette séance d’anglais. L’enseignante, Marine Luce, a l’habitude, avec cette classe, de conduire son cours en anglais et la règle s’applique dans sa version en ligne : « Good morning, can you hear me ? ». Au contraire des deux autres cours de Lettres et de technologie, celui-ci va se dérouler en interaction voix-texte, la professeure étant, en dépit de ses multiples sollicitations, seule à s’exprimer oralement, les élèves lui répondant et dialoguant entre eux via le chat.
Au menu de cette séance, un travail commencé plusieurs cours auparavant, à propos d’une ethnie amérindienne (les Makushi), occasion d’une réflexion d’actualité concernant la préservation de l’environnement : new technology vs tradition…
Une grande partie de la séance se déroulera en private chat room. C’est la professeure qui répartit les élèves et visite chaque groupe pour donner des idées là où elles manquent. Pendant toute la séance, si les élèves ne s’expriment pas oralement, en revanche, ils le font volontiers par écrit, parfois sur des sujets pratiques concernant le déroulement de la séance, en anglais pour tout le reste.
Entretien avec Marine Luce
Comment expliquez-vous que les élèves s’expriment peu oralement alors que l’on aurait pu imaginer que dans le confort du domicile, ils se sentent plus à l’aise ?
J’observe la même chose avec mes quatre classes depuis que j’ai commencé les Web Conférences. Aujourd’hui, ils ont démarré avec le chat et ils ont continué. Même dans les private chat rooms où ils sont moins nombreux, ils ont continué de cette manière, mais en étant tous vraiment actifs. Apparemment, le micro ne fonctionnait pas dans les private rooms, alors qu’il fonctionne d’habitude.
En classe, ils participent davantage à l’oral, même si, bien sûr il faut toujours les inciter, les forcer un peu. Mais là justement, je dispose de moins de moyens pour les faire s’exprimer. En classe virtuelle, j’insiste moins. Peut-être aussi craignent-ils des problèmes techniques avec le micro. Beaucoup n’ont effectivement qu’un casque sans micro ou ne peuvent pas s’exprimer quand les parents sont au travail à côté : cela revient régulièrement. Peut-être aussi, le fait de ne pas se voir, leur donne-t-il l’impression d’être protégés. Ceci étant, j’ai pu constater en circulant dans les groupes qu’ils travaillaient ensemble et réussissaient à produire des choses vraiment intéressantes.
Les problèmes techniques, il y en a toujours. On fait comme on peut, ce n’est pas très grave.
Avez-vous également un usage de la Web Conférence en tant que professeure principale ?
Je suis professeure principale de troisième en effet, mais pas de celle-ci. Oui, je me concerte avec mes collègues. Nous faisons surtout en sorte de garder le contact avec tous les élèves.
J’utilise aussi la Web Conférence pour les heures de vie de classe. Je leur ai demandé hier s’ils voulaient en faire une bientôt et dans ce cas, les sujets qu’ils voulaient aborder. Je viens de recevoir leurs réponses : ils souhaitent faire une vie de classe car ils ont besoin d’être rassurés en cette période difficile.